Que vaut « Bref 2.0 », la nouvelle version de « Bref » sur Disney+ ? (2025)

Bref, tout redémarre! Un revenant pointe le bout de son nez, des années après nous avoir quittés.Brefest la série fétiche des milléniaux, une shortcom au rythme épileptique narrant le quotidien morne et désenchanté d'un trentenaire nombriliste. Créée, scénarisée et réalisée par Kyan Khojandi et Bruno Muschio, la série a fait son effet de petite révolution narrative dans le paysage de la fiction françaiselors de sa diffusion dans le talk-show Le Grand Journal, sur Canal+, durant la saison 2011-2012.

Depuis, plus rien sur le front Bref... Jusqu'à ce coup de théâtre: une saison2sortie de nulle part etdiffusée dès ce 14février sur… Disney+!

Dans cette suite, le personnage principal incarné par Kyan Khojandi, dont on neconnaît toujours pas le nom, a passé le cap fatidique des40ans. Et, durant les dix dernières années, sa vie n'a pas beaucoup évolué. C'est toujours celle d'un mec paumé sans aucune perspective, ni professionnelleni amoureuse. D'ailleurs, il vient tout juste de se faire larguer par celle qu'il croyait être la femme de sa vie… après seulement trois mois de relation. Cet échec est celui de trop. Le protagoniste, en pleine crise existentielle, doit reprendre sa vie en main.Mais, avant ça, il doit soigner ses névroses. Et elles sont nombreuses…

Sur son chemin, il retrouve la plupart des personnages de la saison 1, dont les acteurs, inconnus ou presque à l'époque, sont quasiment tous reconnus aujourd'hui. Pêle-mêle, Baptiste Lecaplain, Bérengère Krief, Alice David et Jonathan Cohen font leur retour dans leur rôle de l'époque. À cette galerie d'anciens viennent s'ajouter depetits nouveaux, incarnés, entre autres, par Laura Felpin, Jean-Paul Rouve, Alexandre Astierou encore Noémie Lvovsky. Sacré casting!

Des épisodes beaucoup moins… brefs

Pour cette seconde fournée, Kyan Khojandi et Bruno Muschio ont intégralement repensé le format. Aux82épisodes d'une durée d'une à trois minutesen 2011succède une répartition beaucoup plus classique en saison 2: six épisodes de trente minutes. Le pari est risqué. Bref a justement marqué les esprits grâce à son concept: des épisodes aussi courts que nerveux, décryptant de manière presque maladive des moments banals de la vie quotidienne: la drague, les courses, la fête, les potes,etc. Le montage hyperrapide et la voix off accélérée ont complétél'ADNde la série.

Une identité qui a perduré bien longtemps après la fin de la diffusion.Brefétait un pur produit de son époque: la série tournée avec une grande économie de moyens est arrivée au bon moment pour Canal+, qui avait alors trouvé le programme générationnel qui allait parler aux jeunes et concurrencer le boom des premiers youtubeurs. Rediffusés sur la plateforme, les épisodes deBref enregistrent à ce jour entre5et 15millions de vues (122millions au total).

Cette poule aux œufs d'or a poussé la chaîne cryptée à faire de la shortcom humoristique sa marque de fabrique, à investir sur la création pour YouTube et à enchaîner les succès calibrés pour les jeunes adultes (Connasse, Ma pire angoisse, Bloquésou encoreSerge le Mytho).

Pour cette saison 2, la voix off reste, tout comme le rythme, soutenue, et les fans des épisodes courts retrouveront ce qu'ils ont adoré jadis. Mais cette nouvelle formule laisse une place plus importante au développement d'une intrigue riche, ainsi qu'aux dialogues et à la mise en scène. Cette dernière bénéficie d'ailleurs d'une nette amélioration: qui dit épisodes rallongésdit budget plus important, et cela se voit à l'écran.

Les réalisateurs ont désormais la possibilité de laisser parler leur créativité, et ils nous gâtent avec une myriadede trouvailles: scènes de science-fiction, rêveries à la Michel Gondry, effets spéciaux en cascade… Khojandi et Muschiosavent ce qu'ils font et réussissent l'exploit de faire de l'idée laplus casse-gueule de l'année… un véritable chef-d'œuvre. N'ayons pas peur des mots!

De l'introspection à la guérison

Pour, enfin, retrouver la joie de vivre et se responsabiliser, le héros angoissé doit prendre du recul et comprendre ce qui ne va pas dans sa vie. Il doit débusquer l'origine de son anxiété. Cela passe par une profonde introspection qui remontera loin. De fait, de nombreuses thématiques déjà présentes dans la première saison sont à nouveau abordées: sa relation avec sa famille, ses ex, son impossibilité degarder un travail plus de quelques mois. Mais, cette fois-ci, le scénario va auboutde la réflexion et explique l'origine des névroses de son personnage. Elles remontent évidemment à l'enfance, et on vous en laisse la surprise.

À DécouvrirLe Kangourou du jourRépondreLa série tourne ainsi à laséance de psy en six épisodes et, même sielle reste une (excellente) comédie, le trajet n'en sera pas moins douloureux. Pour guérir, l'alter ego de Kyan Khojandi devra surmonter tous ses démons intérieurs. La formule est certes téléphonée, mais elle a rarement été aussi vraie: dans Bref 2.0, on passe du rire aux larmes en quelques secondes, d'une scène à l'autre. Et, même si les scènes dramatiques sont beaucoup plus nombreuses, l'émotion n'est jamais provoquée par pathos, mais par une subtile écriture qui connaît avec précision les dosages de la recette du succès.

À longueur d'interviews, Kyan Khojandi explique que la première saison deBrefétait le fruit de dix ans d'idéeset qu'il fallait au moins autant d'années pour accoucher d'une suite. Cela signifie-t-il que l'on peut s'attendre à une saison3d'ici à la fin des années 2030? L'idée est sans doute mauvaise, il vaudrait mieux rester sur cemagnifique second printemps. Mais, vu le talent des deux auteurs, on ne peut s'empêcher d'espérer une suite avec impatience.